Définitions
L'urgence hypertensive peut être définie comme situation aiguë, impliquant une menace vitale immédiate ou à court terme et associée à une augmentation importante et/ou brutale des chiffres tensionnels.
Diagnostic différentiel :
Cette situation dramatique doit d'emblée être différenciée de l'HTA sévère asymptomatique, beaucoup plus fréquente. L'HTA sévère asymptomatique est une hypertension de haut degré manométrique (PA diastolique > 115 mm Hg) qui ne s'accompagne d'aucun signe de mauvaise tolérance. Il s'agit souvent de sujets hypertendus chroniques, parfois ayant interrompu leur traitement antihypertenseur.
Ces patients ne relèvent en aucun cas d'un traitement immédiat dont l'objectif serait une normalisation rapide de la pression artérielle a fortiori par des antihypertenseurs injectables. Il n'y a en effet aucun bénéfice démontré chez ces patients asymptomatiques ne présentant pas de signe d'atteinte des organes cible. De plus une ischémie voire un infarctus, cérébral ou myocardique peut être induit par une thérapeutique antihypertensive agressive, si le niveau de pression artérielle diminue en-dessous de la limite inférieure de l'autorégulation à laquelle la perfusion est maintenue .
Le but thérapeutique initial est l'obtention d'une réduction progressive de la PA diastolique entre 95 et 100 mm Hg sur quelques jours à l'aide d'un traitement conventionnel par voie orale. Le plus souvent, la mise au repos, au calme et la reprise du traitement oral antérieur permet de ramener la pression artérielle à des valeurs acceptables
HTA maligne :
Traitement de l'HTA associée aux accidents vasculaires cérébraux (AVC) :
En cas d'AVC, la survenue d'une HTA aiguë et sévère est très fréquente, qu'il ait existé ou non une HTA permanente antérieure. Cette HTA aiguë est médiée par le système sympathique et peut s'accompagner de signes ECG simulant une ischémie myocardique. La conduite à tenir est difficile à schématiser car les bénéfices de la baisse tensionnelle doivent être balancés avec le risque d'aggravation de l'ischémie par l'hypoperfusion périlésionnelle et/ou le vasospasme cérébral (2,5).
- En cas d'AVC ischémique, la plupart des neurologues ne traitent que si la PA diastolique > 120 mm Hg. En raison de la vasodilation ischémique, la presion de perfusion dans le zone péri-lésionnelle est très dépendante de la pression artérielle ; toute baisse de la pression artérielle risque d'aggraver l'ischémie cérabrale et de créer des lésions irréversibles.
- Au cours des AVC hémorragiques, il n'est pas démontré que l'obtention de valeurs tensionnelles plus basses limitent le saignement. Par contre, l'augmentation de la pression intracranienne engendrée par l'hématome tend à diminuer la pression de perfusion cérébrale, phénomène qui ne peut être aggrévé par le traitement antihypertenseur.
Si malgré tout, la décision de recourir au traitement antihypertenseur est retenue, il faut insister dans tous les cas sur la nécessité d'une baisse très progressive de la pression artérielle. Le labetalol IV ou le nitroprussiate sodique peuvent être utilisés éventuellement avec la mesure simultanée de la pression intra-cranienne. Les barbituriques ont fait la preuve de leur utilité dans le contrôle de l'hypertension intracranienne et systémique mais ils privent de toute surveillance neurologique.
Eclampsie
L'éclampsie et la pré-éclampsie font courir les mêmes risques neurologiques que l'encéphalopathie hypertensive. La dihydralazine (Népressol®) et le sulfate de magnésium sont volontiers utilisés. Le labetalol ou la nicardipine IV constituent une alternative lorsque la pression artérielle n'est pas suffisamment contrôlée. Le nitroprussiate sodique (qui peut induire une intoxication foetale au cyanure) et les IEC (qui peuvent induire une anurie néonatale) sont contre-indiqués dans cette situation. Le plus souvent la sévérité de l'HTA et la souffrance foetale requièrent une délivrance qui facilite le traitement de l'HTA maternelle.
Hypertension et atteinte cardiaque
- Oedème aigu pulmonaire : le nitroprussiate sodique ou la nitroglycérine (Lenitral®) constituent le meilleur choix en association avec un diurétique de l'anse IV (furosémide, bumétanide). Les produits qui augmentent le travail cardiaque (diazoxide, dihydralazine) et ceux qui diminuent la contractibilité (ß-bloquant et labetalol) doivent être évités.
- Syndrome de menace ou nécrose myocardique : nitroprussiate sodique, nitroglycérine, ß-bloqueurs sont indiqués selon la fonction cardiaque. Le diazoxide et la dihydralazine sont contre-indiqués.
Anesthésie
Les antihypertenseurs habituels doivent être prescrits jusqu'au moment de l'intervention et repris dès que possible dans la période post-opératoire. Les épisodes d'HTA per-opératoires sont généralement médiés par le système adrénergique. De tels épisodes surviennent chez 30-50% des malades après un pontage aorto-coronarien. Le risque de saignement et dischémie coroanaire imposent un traitement rapide et efficace. Selon les cas, la nicardipine, le nitroprussiate, le labetalol, lurapidil IV sont particulièrement employés. Le renforcement de lanalgésie peut savérer utile.
Syndrome de sevrage :
L'arrêt brutal de l'agoniste a2-central clonidine ou d'un ß-bloqueur peut s'accompagner de complications sérieuses. L'augmentation de l'activité sympathique au cours du sevrage brutal traduit l'up-régulation des récepteurs adrénergiques. L'amplitude des manifestations cliniques dépend de la cinétique d'élimination du médicament et de la vitesse de down-régulation des récepteurs (demi-vie 24-36 h). Le syndrome de sevrage hyperadrénergique survient plus souvent avec un produit d'action courte (clonidine ou propranolol) puisque l'up-régulation persiste au-delà de la fin de l'effet anti-hypertenseur.
- l'arrêt brutal de la clonidine (Catapressan®) entraîne une HTA aiguë au-dessus des valeurs pré-traitement. Ce "rebond hypertensif" survient généralement après l'arrêt brutal de fortes doses de clonidine mais il a également été rapporté avec la clonidine transdermique.
- l'arrêt des ß-bloqueurs entraîne rarement une augmentation de la pression artérielle mais surtout un angor accéléré, une nécrose myocardique voire une mort subite. Ce risque est plus important chez le coronarien connu mais a été aussi rapporté chez des sujets sans antécédents coronariens.
Le contrôle tensionnel peut être obtenu dans ces 2 situations par la reprise du traitement antérieur, et si nécessaire par le nitroprussiate sodique, la phentolamine ou le labetalol. Pour prévenir le syndrome de sevrage, ces médicaments devraient être interrompus progressivement sur 1 à 2 semaines en baissant la dose de moitié tous les 3-4 jours. Même ainsi la protection n'est pas absolue avec la clonidine.
Syndromes catécholergiques :
Ces syndromes s'observent dans des situations variées : phéochromocytome ; dysautonomies (syndrome de Guillain-Barré ou lésions médullaires) ; syndrome de sevrage de la clonidine ; usage de produits sympathomimétiques (phénylpropanolamine, cocaïne, amphétamines, phencyclidine) ou la combinaison d'IMAO et d'aliments riches en tyramine (fromages fermentés, chianti, champagne et avocats).
L'HTA peut être contrôlée par la phentolamine, le labetalol ou le nitroprussiate sodique. L'administration seule de ß-bloqueur est contre-indiquée car l'inhibition de la vasodilatation ß2 médiée démasque la vasoconstriction a-adrénergique et augmente encore davantage la pression artérielle.
Dissection de l'aorte :
La suspicion de dissection aortique nécessite la confirmation du diagnostic et la réduction de la pression artérielle systolique à la valeur la plus basse tolérable. Le traitement hypotenseur initial comporte l'administration d'un ß-bloqueur IV (esmolol, Brevibloc®) ou de labetalol IV pour réduire la fréquence cardiaque < 60 bpm (voir la page "antiHTA parentéraux").
Si la pression artérielle systolique reste > 100 mmHg avec une fonction neurologique et rénale satisfaisante, le nitroprussiate sodique IV est ajouté. Le nitroprussiate sodique ne doit pas être utilisé en l'absence de ß-bloquant car l'activation sympathique réflexe liée à la vasodilatation augmente la contraction ventriculaire et les forces de cisaillement pariétal. Pour cette même raison, le diazoxide ou la dihydralazine ne doivent pas être utilisés.`
Les patients sous nitroprussiate sodique doivent être monitorés par un cathéter intra-artériel dans le bras ayant la pression auscultatoire la plus élevée. Lorsque l'état hémodynamique est stabilisé, les examens d'imagerie aortique sont réalisés (ETO, RMN ou aortographie selon les cas ou leur disponibilité).
A distance le traitement médical comporte une association de ß-bloqueur et d'IEC. L'éviction des efforts physiques intenses doit être recommandée afin de limiter le cisaillement pariétal aortique.
Récapitulatif
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