Glomérulonéphrite collapsante et néphropathie associée au HIV
La hyalinose segmentaire et focale est un ensemble hétérogène d'affections ayant en commun une lésion histologique glomérulaire peu spécifique mais individualisée en raison de sa localisation initiale particulière. Cette lésion est dite segmentaire, c'est-à-dire qu'elle ne touche qu'une partie du glomérule et focale, parce quelle ne touche que certains glomérules.
Dans la forme primitive, la hyalinose a une localisation initialement segmentaire et focale mais elle évolue secondairement vers une glomérulosclérose segmentaire, puis enfin diffuse du glomérule.
Un variant clinicopathologique de la HSF est actuellement individualisé et reconnu de plus en plus fréquemment, la HSF collpsante.
L'atteinte rénale est relativement fréquente chez les patients infectés par le HIV (Tableau 1). Une forme spécifique de glomérulosclérose focale avec un collapsus extensif du capillaire représente la principale forme de néphropathie liée au HIV. Cependant, ce type de lésions glomérulaires peut également survenir chez des patients sans infection par le HIV.
Tableau 1 : Lésions rénales au cours de l'infection HIV
- Insuffisance rénale aiguë :
- Nécrose tubulaire aiguë secondaire aux infections ou à l'hypotension
- Néphrotoxines (pintamidine, foscarnet, aminoglycosides)
- Obstruction intratubulaire secondaire à la sulfadiazine ou à l'acyclovir intraveineux.
- Glomérulonéphrite postinfectieuse
- Glomérulonéphrite extramembraneuse
- Néphropathie interstitielle aiguë liée à l'infection par le cytomégalovirus ou liée à des médicaments (cotrimoxazole)
- Microangiopathie thrombotique avec une présentation de type syndrome hémolytique et urémique
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1. Glomérulosclérose focale liée au HIV
La forme la plus caractéristique de la néphropathie associée au virus HIV se présente cliniquement par un syndrome néphrotique et histologiquement par une glomérulosclérose focale collapsante, généralement accompagnée par des lésions tubulo-interstitielles sévères, des distensions des tubules (microkystes) et la formation de très nombreux cylindres. Ces anomalies rénales peuvent être observées aussi bien chez des patients avant la séroconversion que chez des patients avec une infection HIV asymptomatique ou avec un ARC ou un SIDA avéré.
1.1. Caractéristiques cliniques
La glomérulosclérose focale liée au virus HIV est observée chez 2 à 10 % des patients infectés par le HIV. Cette atteinte rénale peut survenir dans la plupart des groupes à risque, y compris l'administration intra-veineuse de drogue, les infections périnatales et les haïtiens. Le développement d'une atteinte rénale survient avec prédilection chez les sujets mâles et noirs et semble au contraire relativement peu fréquent chez les sujets blancs homosexuels.
Les patients avec une glomérulosclérose focale liée au HIV se présentent typiquement avec un syndrome néphrotique (protéinurie abondante, hypoalbuminémie) et des oedèmes, peu d' hématurie ou de leucocyturie. Souvent les reins sont de grande taille, hyperéchogènes à l'échographie rénale. Ces patients avec une néphropathie HIV tendent à avoir une fonction rénale plus altérée lors de la présentation par comparaison avec les patients ayant une néphropathie à l'héroïne ou une hyalinose segmentaire et focale idiopathique.
Les patients avec une hyalinose segmentaire et focale liée au HIV ont habituellement une évolution progressive et évoluent vers l'insuffisance rénale terminale en 1 à 4 mois. A la fois l'atteinte glomérulaire sévère et les lésions tubulaires extensives semblent être responsables de cette évolution rapide de la fonction rénale qui est par ailleurs rarement observée dans les autres formes de hyalinose segmentaire et focale.
1.2. Histopathologie :
La néphropathie du HIV ne peut pas toujours être distinguée histologiquement de la hyalinose segmentaire et focale idiopathique et/ou des HSF liées à l'abus d'héroïne. Cependant, plusieurs caractéristiques sont suggestives de l'infection HIV :
- La tendance au collapsus et à la sclérose du floculus glomérulaire dans son entier plutôt qu'une atteinte segmentaire.
- Les lésions tubulaires extrêmement sévères avec parfois formation de microkystes et dégénération tubulaire.
- La présence en microscopie électronique de nombreuses structures tubulo-réticulaires qui semblent être induites par l'interféron alpha et présentes dans les cellules endothéliales glomérulaires.
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Atteinte rénale du HIV : glomérulosclérose focale et segmentaire avec collapsus du flocullus glomérulaire et modifications kystiques des tubules. Les tubules sont remplis de matériel d'allure protéique et la capsule de Bowman semble élargie en partie du fait de la rétraction du glomérule collabé. (coloration de Jones, X 100).
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L'aspect de collapsus glomérulaire de la néphropathie associée au HIV est lié à la rétraction de chaque lobule avec un aspect plissé de la membrane basale glomérulaire et souvent une hyperplasie des cellules épithéliales sus-jacentes. Dans ce cas on observe aussi de nombreuses goutellettes protéiques dans l'espace de Bowman (coloration de Jones X400).
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HSF associée au HIV : collapsus précoce, sclérose segmentaire et hyperplasie des celules épithéliales. les tubes sont relativement épargnés dans cette coupe (coloration argentique de Jones X200).
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1.3. Physiopathologie :
Le mécanisme de ces lésions n'est pas actuellement bien connu. Une lésion directe induite par le HIV dans les cellules épithéliales glomérulaires et tubulaires a été postulée. Cependant presque toutes les études morphologiques n'ont pas démontré la présence de DNA viral dans les cellules épithéliales atteintes dans le rein.
Par contre des souris transgéniques avec de l'ADN viral de HIV inséré dans leur génome développent une protéinurie et des anomalies histologiques rénales similaires à celles de la néphropathie induite par le HIV, c'est-à-dire une hyalinose segmentaire et focale et des lésions tubulo-interstitielles. L'expression des gènes viraux est augmentée dans le cortex rénal avant même le développement de la glomérulosclérose. La pertinence clinique de ce modèle de même que la spécificité du HIV puisque d'autres virus peuvent induire des modifications similaires restent à élucider.
2. Glomérulonéphrite collapsante en l'absence d'infection HIV
Il est maintenant bien établi que des patients sans infection HIV, mais essentiellement des sujets noirs, peuvent se présenter avec un tableau clinique analogue à la néphropathie associée au HIV (c.a.d un syndrome néphrotique sévère et une insuffisance rénale existant déjà à la présentation).
Sur la biopsie rénale, on retrouve une glomérulosclérose collapsante. Histologiquement cette entité est de plus en plus reconnue et son incidence a augmenté fortement au cours des dernières années. La seule différence histologique par rapport à la HSF induite par le HIV est l'absence de structure tubulo-réticulée dans les cellules endothéliales en microscopie électronique.
La physiopathologie de la hyalinose segmentaire et focale collapsante n'est pas connue. L'évolution rapidement progressive et les anomalies histologiques similaires à celles de la néphropathie au HIV ont soulevé la possibilité d'une infection aiguë.
La HSF collapsante progresse habituellement rapidement vers l'insuffisance rénale terminale. La durée moyenne entre le début de la maladie et l'insuffisance rénale terminale est de 7 mois environ contre 54 mois en moyenne chez les patients avec une HSF primitive idiopathique. Dans certains cas, la glomérulonéphrite collapsante semble pouvoir récidiver après transplantation.
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