Hyalinose segmentaire et focale (HSF) primitive idiopathique
La hyalinose segmentaire et focale est un ensemble hétérogène d'affections ayant en commun une lésion histologique glomérulaire peu spécifique mais individualisée en raison de sa localisation initiale particulière. Cette lésion est dite segmentaire, c'est-à-dire qu'elle ne touche qu'une partie du glomérule et focale, parce quelle ne touche que certains glomérules.
Dans la forme primitive, la hyalinose a une localisation initialement segmentaire et focale mais elle évolue secondairement vers une glomérulosclérose segmentaire, puis enfin diffuse du glomérule.
Des lésions morphologiques similaires à la hyalinose segmentaire et focale peuvent être observées dans différentes circonstances pathologiques très particulières, généralement facilement identifiables. On distingue donc la hyalinose segmentaire et focale dans sa forme dite primitive et les formes dites secondaires de mécanismes physiopathologiques différents (Voir Classification des HSF).
Un degré supplémentaire de confusion est introduit par le terme américain glomerulosclérose focale qui méconnait la lésion initiale de hyalinose et inclut des lésions de sclérose segmentaire cicatricielle, non spécifique faisant suite à des affections bien différentes (Voir Classification des HSF).
1. Présentation clinique de la HSF primitive idiopathique
La hyalinose segmentaire et focale primitive représente 10 à 15 % des syndromes néphrotiques ou protéinuries chez l'enfant et 20 à 25 % des protéinuries syndrome néphrotique idiopathique de l'adulte. La prévalence de cette affection semble augmenter au cours des dernières années, probablement en raison de l'identification de variants histologiques de la hyalinose segmentaire et focale. Chez les sujets noirs, l'incidence et la prévalence de la hyalinose segmentaire et focale primitive sont nettement plus importantes 2 à 4 fois plus élevées que chez les sujets blancs représentant environ 60 % des atteintes glomérulaires chez le sujet noir.
Les patients se présentent habituellement avec un syndrome néphrotique patent, souvent dinstallation brutale analogue à celui révélant la lésion glomérulaire minime.
La protéinurie est abondante, non sélective. Lincidence de lhématurie microscopique et de lhypertension artérielle est élevée et il existe souvent une altération variable de la fonction rénale au moment du diagnostic. Le complément sérique est typiquement normal.
La maladie progresse vers linsuffisance rénale terminale chez 50 % des patients à 10 ans. Les patients très néphrotiques tendent à progresser rapidement vers l'insuffisance rénale terminale. Dans 20 % des cas, lévolution est fulminante (HSF maligne) aboutissant à linsuffisance rénale terminale en 2 ans environ.
Il y a un taux de récidive important sur les allogreffes. Un facteur de nature non immunoglobulinique favorisant la perméabilité glomérulaire est présent dans la circulation de nombreux (sinon tous les) patients.
2. Histologie
En microscopie optique et au stade précoce, la hyalinose segmentaire et focale comporte une atteinte focale souvent localisée dans les glomérules juxtamédullaires avec collapsus glomérulaire segmentaire (une anse), une adhésion du flocullus à la capsule de Bowman (synéchie flocullocapsulaire) et une condensation de matériel hyalin amorphe. Une hypercellularité mésangiale modérée, une occlusion partielle de la lumière capillaire par des dépôts hyalins sont fréquemment observés. Cette dernière lésion représente l'insudation de protéines plasmatiques dans une paroi capillaire glomérulaire anormalement perméable.
Cette lésion évolue secondairement vers une glomérulosclérose segmentaire puis enfin diffuse de l'ensemble du glomérule.
En immunofluorescence, il n'y a pas de dépôts immuns en-dehors de dépôts considérés comme non spécifiques d'IgM, C3 et parfois dIgM, localisés dans les lésions segmentaires glomérulaires exclusivement. Des dépôts vasculaires de C3 sont parfois observés.
En microscopie électronique, la lésion toute initiale est un effacement diffus des pédicelles, analogue à celui observé au cours des lésions glomérulaires minimes. On peut observer ensuite un collapsus segmentaire danse capillaire avec repli de la membrane basale glomérulaire et inclusion de tissu amorphe et de goutellettes électrodenses hyalines et lipidiques finements granulaires.
Des cellules spumeuses occupent volontiers la lumière des capillaires collabés. Dans ces cas, on observe une dégénérescence des podocytes , souvent avec détachement de la membrane basale sous-jacente ou une nécrose cellulaire.
Certains patients avec un syndrome néphrotique et une HSF présentent une lésion segmentaire faisant face au pôle tubulaire, appelée « tip » lésion.
Cette lésion pourrait identifier un sous-groupe de patients avec des caractéristiques cliniques, notamment une meilleure réponse aux stéroïdes. Cette notion est cependant fortement controversée, car la tip lésion sobserve dans dautres atteintes glomérulaires avec lésions podocytaires (glomérulonéphrite extramembraneuse par exemple).
Les lésions de hyalinose segmentaire et focale prédominent au moins initialement dans les glomérules juxtamédullaires et peuvent être donc inaperçus dans des biopsies superficielles concernant seulement le cortex. Cette localisation particulière des lésions de HSF est importante à connaître car des erreurs d'échantillonnage sur une biopsie rénale peuvent conduire au diagnostic de lésions glomérulaires minimes chez un patient ayant en réalité une HSF. En labsence de lésion typique de hyalinose, le diagnostic peut être suspecté devant l'existence fréquente de glomérules hypertrophiés (augmentation de l'aire cross sectionnelle) et parfois la présence de zones d'atrophie tubulaire et de fibrose interstitielle disproportionnées par rapport au degré et à lancienneté de lHTA (lorsquelle existe).
3. Physiopathologie de la HSF primitive
La maladie initiale semble être une atteinte du podocyte, peut-être au moins d'un certain cas en rapport avec une toxine, éventuellement une cytokine circulante. La HSF primitive est habituellement une affection idiopathique dont certains pensent qu'elle représente la forme la plus sévère d'un spectre d'affections comprenant à lautre extrème les lésions glomérulaires minimes. Il existe d'authentiques lésions glomérulaires minimes progressant secondairement vers la HSF et également des patients avec une HSF caractérisée avec une évolution sensible aux stéroïdes et rechutant fréquemment de façon similaire aux lésions glomérulaires minimes. Dans certaines formes au moins, un facteur circulant peut être suspecté devant la récidive rapide parfois explosive de la hyalinose et de la protéinurie dans les jours ou les heures qui suivent une transplantation rénale.
4. Facteurs pronostiques :
Plusieurs indicateurs de pronostic peuvent être mis en évidence dont notamment l'abondance de la protéinurie initiale : une protéinurie néphrotique supérieure à 3 g/24 h est associée à une mauvaise évolution 50 % des patients atteignant l'insuffisance rénale terminale sur 6 à 8 ans. Une protéinurie encore plus abondante supérieure à 10 g/24 h évolue vers l'insuffisance rénale terminale en 3 ans chez la majorité des patients. L'évolution est également plus sévère chez les patients ayant une créatinine plasmatique élevée à la présentation et peut être également chez les sujets noirs.
Histologiquement, la présence d'une fibrose interstitielle importante ou de lésions collapsantes est de très mauvais pronostic (dans ce dernier cas l'inbsuffisance rénale terminale survient en 12 à 18 mois).
Inversement, l'obtention d'une rémission sous traitement est un facteur de bon pronostic puisque chez des patients initialement néphrotiques moins de 15 % de ceux ayant à un moment donné une rémission complète progressent vers l'insuffisance rénale terminale. Compte tenu du fait que les rémissions spontanées dans cette affection sont extrêmement rares, l'obtention d'une rémission sous traitement constitue un des meilleurs indices pronostiques et justifie également l'institution systématique d'un traitement spécifique.
5. Traitement de la hyalinose segmentaire primitive idiopathique
5.1. Traitement initial :
Tous les patients avec une HSF idiopathique primitive doivent être traités par stéroïdes (en labsence de contrindication) qui permettent d'obtenir un taux de rémission de plus de 50 %. La dose initiale est de 1 mg/kg/jour, diminuée progressivement 15 jours après l'obtention d'une rémission clinique et doit être prolongée plusieurs mois . La médiane d'obtention d'une rémission complète est de 3 à 4 mois, la plupart des patients obtenant une rémission complète entre 5 et 9 mois après le début du traitement. On considère actuellement que le traitement doit être prolongé au moins 4 mois avant de considérer que le patient est résistant aux corticoïdes (définition de la résistance aux stéroïdes).
Ces recommandations ne s'appliquent pas à la HSF collapsante ou à celle associée au cancer. Il n'y a pas de bénéfice prouvé du traitement dans le premier cas encore que certains groupes rapportent un taux de réponse d'environ 50 % chez les patients ayant une HSF collapsante.
Dans le second cas c'est le traitement du cancer qui amène à la rémission de la protéinurie.
5.2. Traitement des rechutes :
Chez les patients répondant aux corticostéroïdes mais rechutant ou manifestant un certain degré de cortico-dépendance, l'adjonction de cyclophosphamide à dose efficace, voire de chlorambucil, habituellement associé à un traitement de courte durée de Prednisone, aboutit à la reinduction d'une rémission chez plus de 70 % des patients.
En cas de rechute, la cyclosporine peut représenter une alternative aux immunosuppresseurs. La cyclosporine sans dépasser 5 mg/kg/jour répartis en 2 doses est très efficace pour réinduire une rémission chez les patients initialement répondeurs aux stéroïdes et rechutant. La réponse est habituellement observée au cours du premier mois de traitement par la cyclosporine. En l'absence de réponse au-delà de 3 à 6 mois de traitement, les probabilités de réponse sont négligeables et le traitement doit être interrompu. La rémission sous cyclosporine n'est généralement maintenue que grâce à la poursuite du traitement au long cours car 75 % des patients rechutent à l'arrêt de ce traitement. La cyclosporine dépendance comporte à long terme le risque potentiel d'une néphrotoxicité.
5.3. Traitement de la HSF cortico-résistante :
Le traitement des HSF cortico-résistantes (cf définition ci-dessus) reste décevant. Dans les formes cortico-résistantes de l'adulte, un traitement par cyclophosphamide permet d'obtenir une rémission complète dans 20 % des cas en moyenne. La durée du traitement ne devrait probablement pas dépasser 6 mois en raison du risque des toxicités cumulées à long terme avec ces agents alkylants.
Plusieurs essais prospectifs randomisés ont évalué l'efficacité de la cyclosporine dans la hyalinose corticorésistante. Le taux de rémission complète est inférieur à 20 % mais environ 40 % des patients manifestent une rémission partielle (protéinurie persistante mais non néphrotique). Le taux de rechute est très élevé après l'arrêt de la cyclosporine mais la progression vers l'insuffisance rénale tend à être significativement moindre chez les patients traités par cyclosporine, 25 % contre plus de 50 % dans les groupes placebo. En cas de non réponse à la cyclosporine dans les 3 à 6 premiers mois de traitement, le traitement doit être interrompu car la probabilité dune réponse est tout à fait négligeable au-delà. Chez les patients répondant à la cyclosporine, un traitement plus prolongé peut être nécessaire afin de maintenir la rémission mais comporte également le risque potentiel d'une néphrotoxicité induite à long terme par la cyclosporine. Il est parfois possible de diminuer progressivement la cyclosporine après 12 mois de traitement sans récidive ultérieure.
Il est important de considérer les complications potentielles liées aux traitements avec les agents alkylants. Avec le cyclophosphamide le risque de stérilité est non négligeable pour des doses cumulées supérieures à 250 mg/kg ou une leucémie aiguë pour des doses cumulées supérieures à 25 g. Pour mémoire, la dose cumulée d'un traitement de 3 mois à 2 mg/kg/j chez un sujet de 70 kg correspond à une dose cumulée de 180 mg/kg, ou 12,6 g.
Le recours prolongé à la cyclosporine sur des périodes de plusieurs années peut entraîner une fibrose interstitielle significative sans traduction clinique immédiate en raison de l'absence de corrélation entre la baisse de fonction rénale et les anomalies structurales. Pour ces raisons, le recours à la cyclosporine doit être très prudent chez des patients ayant une insuffisance rénale préexistante et/ou des lésions tubulointerstitielles sévères. D'une façon générale, il est souhaitable de limiter la dose de cyclosporine à 5 mg/kg/jour et la durée totale de traitement à 12 mois chez les patients répondeurs afin de minimiser le risque de néphrotoxicité.
Le recours à des échanges plasmatiques ou à des immunoabsorptions a été proposé pour traiter les formes sévères de la HSF primitive avec un facteur circulant. Ces formes sont essentiellement mises en évidence par la récidive rapide de la protéinurie en cas de transplantation. Dans certains cas, une réponse spectaculaire peut être apportée mais assez souvent la réponse n'est que transitoire et incomplète.
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