1. Introduction
Le syndrome néphrotique traduit une anomalie fonctionnelle ou organique du filtre glomérulaire qui reconnaît un certain nombre daspects histologiques et détiologies différents. La néphrose lipoïdique ou syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes ne représente que 15 à 20 % des syndromes néphrotiques de ladulte mais est souvent pris comme modèle de description de ces affections glomérulaires.
Nous détaillerons dans un premier chapitre les définitions, la physiopathologie de la protéinurie ainsi que les complications communes aux syndromes néphrotiques quelle quen soit la cause.
Les problèmes de diagnostic (positif, différentiel, étiologique) sont ensuite évoqués. La néphrose lipoïdique est traitée dans le diagnostic étiologique des formes primitives. Les autres causes de syndrome néphrotique de ladulte ont également été traitées. Elles peuvent recouper dautres questions du programme (diabète, lupus, myélome &) et la question syndrome néphritique (glomérulonéphrite membranoproliférative).
2. Définitions et pathophysiologie de la protéinurie
Le syndrome néphrotique est caractérisé par une protéinurie importante liée à un trouble de la perméabilité capillaire glomérulaire. Cette protéinurie contient essentiellement de l'albumine ou des protéines de poids moléculaire supérieur à lalbumine. Elle est responsable d'une perte d'albumine supérieure aux capacités de synthèse hépatique, provoquant ainsi une hypoalbuminémie. Le syndrome néphrotique répond à une définition strictement biologique et associe :
- Une protéinurie supérieure à 3 g/24 h,
- Une hypoprotidémie inférieure à 60 g/l,
- Une hypoalbuminémie inférieure à 30 g/l.
Il faut noter que dans la littérature anglo-saxonne, le syndrome néphrotique est plus simplement défini par une protéinurie supérieure à 3,5 g/24 h/1m73.
La symptomatologie clinique est dominée par le syndrome oedémateux.
L'aspect qualitatif de la protéinurie permet de distinguer deux types d'altérations de la membrane basale glomérulaire :
- Soit la protéinurie est constituée essentiellement d'albumine à lélectrophorèse des protéines urinaires et est qualifiée dans ce cas, de sélective. Il existe alors une altération biochimique du filtre glomérulaire avec notamment une perte des charges anioniques de la membrane basale glomérulaire sans anomalie morphologique observée en microscopie optique.
- Soit la protéinurie est dite non sélective. Il existe alors, en plus de l'albumine, des protéines de haut poids moléculaire. Des lésions du filtre glomérulaire sont le plus souvent observées en microscopie optique.
Pathophysiologie de la protéinurie
Le passage de protéines plasmatiques de poids moléculaire supérieur à 70 KD à travers la paroi capillaire glomérulaire est normalement restreint par une barrière sélective de charge ainsi quune barrière sélective de taille. La barrière sélective de charge est liée à la présence dun revêtement polyanionique de la membrane basale glomérulaire et des cellules avoisinantes qui restreint le passage de protéines plasmatiques polyanioniques de taille moyenne (environ 70 kD), principalement lalbumine. La barrière sélective de taille qui résulte de la présence de pores dans la membrane basale glomérulaire et dans les diaphragmes de fente épithéliale assure la restriction au passage des protéines plasmatiques de plus gros poids moléculaire au-dessus de 80 kD. Le syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes est du principalement à une perte de la sélectivité de charge alors que les autres glomérulonéphrites par exemple extra-membraneuses résultent essentiellement dune perte de la sélectivité de taille.
Le mécanisme de laltération glomérulaire aboutissant à lanomalie de perméabilité capillaire glomérulaire est variable. Chez les patients ayant une hyalinose segmentaire et focale récidivante après transplantation rénale, des interventions thérapeutiques qui permettent dadsorber les immunoglobulines, comme le passage sur des colonnes dimmunoadsorption ou de protéines A entraînent une réduction considérable de la protéinurie. Un facteur plasmatique présumé produit par des lymphocytes, augmente lexcrétion urinaire dalbumine chez des rats de rein perfusé. Ce facteur augmente la perméabilité à lalbumine de glomérules isolés et sa présence est associée à un taux important de récidive de la maladie après transplantation rénale.
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A retenir :
La protéinurie est qualifiée de sélective :
- Si elle contient plus de 85 % d'albumine
- Ou si le rapport : clairance des IgG/clairance de la transferrine est< à 0,1
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3. Complications du syndrome néphrotique
Quelle que soit son étiologie, le syndrome néphrotique expose à un certain nombre de complications:
Ils sont mous, blancs, « prennent le godet ». Ils prédominent dans les territoires déclives (chevilles, jambes en position debout, lombes chez un sujet en décubitus dorsal) ou les régions où la pression extravasculaire est faible (orbite de l'oeil).
Un épanchement des séreuses (plèvre, péricarde, péritoine) peut être observé réalisant un tableau danasarque. LSdème pulmonaire est exceptionnel en labsence dinsuffisance cardiaque.
Ils sont liés à une diminution de la pression oncotique des protéines intravasculaires qui permet la fuite de sel et d'eau vers le liquide interstitiel.
Cette fuite d'eau et de sel plasmatiques est responsable d'une hypovolémie efficace qui stimule les systèmes participant à la rétention hydro-sodée comme le système rénine-angiotensine aldostérone et le système sympathique
En fait cette vue classique attribuant la rétention sodée du syndrome néphrotique à la seule hypovolémie secondaire à lhypoalbuminémie a été remise en question par le résultat détudes montrant un état deuvolémie ou dhypervolémie chez des patients atteints de syndrome néphrotique. Toutefois le facteur « primitif » responsable de lavidité rénale pour le sodium reste encore inconnu.
Traitement du syndrome oedémateux
Le traitement du syndrome oedémateux est basé sur la restriction sodée (<3g de NaCl/j soit 50 mEq de sodium), un repos relatif au lit (pour éviter la stimulation du système rénine-angiotensine aldostérone), et la prescription éventuelle de diurétiques de lanse commme le furosémide (Lasilix®) ou le bumétamide (Burinex®). Dans tous les cas lobtention dune réponse natriurétique devra être progressive pour éviter laggravation de lhypovolémie et les risques de thromboses veineuses (dues à lhémoconcentration).
Les diurétiques devront être prescrits à posologie progressivement croissante 2 à 3 fois par jour compte-tenu de leur courte durée daction (6 à 8h). En cas de résistance au traitement, la voie intraveineuse sous forme de bolus ou en continu sera utilsé. Ladjonction de diurétiques thiazidiques (hydrochlorothiazide) et de diurétiques distaux (modamide, antialdostérones) peut savérer utile pour potentialiser leffet des diurétiques de lanse. La perfusion dalbumine à but dexpansion volémique ne doit être utilisée que dans les cas exceptionnels dhypotension symptomatique.
Elle est de type mixte le plus souvent, l'hypercholestérolémie peut être très importante (>10mmol/l). Elle est liée à une augmentation de la production des lipoprotéines au niveau du foie (VLDL et LDL) et à une diminution de leur catabolisme. Elle est directement corrélée à l'importance de la protéinurie et plus précisément à l'augmentation de la clairance de l'albumine.
Le traitement de lhyperlipidémie du syndrome néphrotique nest envisagé que dans le cas de syndromes néphrotiques résistants à toute thérapeutique (par exemple : hyalinose segmentaire et focale, glomérulopathie extra-membraneuse). Lhyperlipidémie sévère du syndrome néphrotique aggrave le risque cardiovasculaire et peut participer à la progression des lésions rénales. Son traitement reste mal codifié et fait appel au régime et à lutilisation des statines sous contrôle strict des CPK (risque de rhabdomyolyse).
Les pertes urinaires de certains facteurs de coagulation sont largement compensées par une augmentation de la synthèse hépatique des protéines de la coagulation. La fuite urinaire d'un anticoagulant naturel, l'antithrombine III est constante.
Il existe donc une situation d'hypercoagulabilité responsable d'une augmentation de la fréquence des thromboses vasculaires veineuses périphériques chez les patients néphrotiques avec un risque d'embolie pulmonaire.
Une thrombose des veines rénales peut être observée chez les patients ayant un syndrome néphrotique intense (albuminémie<20 g/l), avec un risque élevé dembolie pulmonaire. Cette thrombose est parfois révélée par une hématurie macroscopique et une douleur de la fosse lombaire. Elle est le plus souvent asymptomatique et son diagnostic est évoqué devant une détérioration de la fonction rénale et une aggravation du syndrome néphrotique.
Un traitement par héparine de bas poids moléculaire est recommandé chez les patients ayant un syndrome néphrotique sévère (en pratique lorsque lalbuminémie est inférieure à 20g/l voire 25g/l en cas dantécédents de thrombose ou de facteurs de risque associés).
Un relais de lhéparine par les antivitamines K est entrepris dès que possible en tenant compte de lhypoalbuminémie qui modifie leur pharmacocinétique (médicaments liés à lalbumine).
Elle est diminuée au cours du syndrome néphrotique. Les taux dimmunoglobulines G et A sont diminués et limmunité cellulaire est modifiée. Conséquence directe de la diminution du taux d'IgG chez les patients néphrotiques, le risque dinfection par les bactéries encapsulées (pneumocoque, hémophilus, klebsielle) est particulièrement augmenté.
La baisse de l'albumine sérique est directement responsable de l'augmentation de la fraction libre des médicaments (notamment des antivitamines K, des antiinflammatoires non stéroïdiens...). Le risque de surdosage et d'effet toxique est augmenté.
Un certain nombre danomalies métaboliques sont observées chez les patients néphrotiques au long cours et sont liées à la baisse de métaux éléments (fer, cuivre, zinc), de protéines porteuses (céruléoplasmine, transferrine). La malnutrition protidique est fréquemment observée au cours des syndromes néphrotiques chroniques.
4. Le diagnostic positif
Il est en général aisé chez l'adulte et sera évoqué dans deux circonstances principales :
- L'installation explosive ou progressive d'un syndrome Sdémateux ;
- La découverte d'une protéinurie abondante lors d'un examen systématique (Service Militaire, Médecine du Travail, Médecine Scolaire).
4.1 Tableau clinique
Les Sdèmes sont dits superficiels " rénaux", blancs, mous, indolores, prenant le godet, déclives, siégeant le matin dans les paupières, sur le dos des mains et aux lombes et le soir aux membres inférieurs.
Peuvent s'associer des épanchements des séreuses de type transsudatif.
La prise de poids est constante et permet de chiffrer l'importance de la rétention hydrosodée.
En cas d'installation aiguë, le syndrome Sdémateux peut être associé à une oligurie.
La pression artérielle est variable et dépend en général du type de néphropathie glomérulaire responsable du syndrome néphrotique et de l'association éventuelle à une insuffisance rénale organique.
Enfin l'absence de syndrome Sdémateux ne permet pas de récuser le diagnostic de syndrome néphrotique, surtout chez les patients suivant un régime sans sel, traités par diurétiques au préalable.
4.2 Examens biologiques
- Dans les urines
La protéinurie, éventuellement détectée par l'usage de bandelettes (albustix, multistix) au lit du malade et confirmée au laboratoire : la protéinurie est permanente, abondante (>3 g/24 h).
- L'électrophorèse des protéines urinaires permet d'apprécier la sélectivité. Une protéinurie est dite sélective si elle est constituée à plus de 85 % d'albumine.
- L'analyse du sédiment urinaire permet de rechercher l'association à une hématurie et/ou une leucocyturie microscopique (> 10H et/ou L/mm3).
- L'examen du culot urinaire recherche des cylindres hématiques, évocateurs de l'origine glomérulaire de l'hématurie et une infection urinaire confirmée par une uroculture.
- Le ionogramme urinaire montre une diminution de la natriurèse (< 20 mEq/24h), associée à une kaliurèse adaptée aux apports, témoignant d'un hyperaldostéronisme secondaire.
Il existe une hypoprotidémie à 60 g/l, associée à une hypoalbuminémie< 30 g/l.
L'analyse de l'électrophorèse des protéines montre une modification de la répartition des globulines avec une élévation des alpha2 bétaglobulines et du fibrinogène, une diminution des gammaglobulines.
L'hyperlipidémie est fréquente avec une élévation des taux de cholestérol et de triglycérides.
L'hypoprotidémie est associée à une augmentation de la vitesse de sédimentation, une hypocalcémie (par diminution de la fraction liée du calcium aux protéines).
La concentration d'urée et de créatinine plasmatiques varie en fonction de l'étiologie du syndrome néphrotique et de l'association à une insuffisance rénale organique ou fonctionnelle.
Une fausse protéinurie à la bandelette réactive (bandelettes trop anciennes, urines alcalines).
Une protéinurie intermittente ou orthostatique.
Surtout, seront discutées les autres étiologies :
D oedèmes généralisés (cirrhose, insuffisance cardiaque, péricardite constrictive) qui peuvent également s'accompagner d'une protéinurie.
Ou dhypoprotidémie (malabsorption, dénutrition...).
- Étudier les modalités d'installation et l'ancienneté des Sdèmes (quelques jours ou plusieurs semaines).
- Rechercher un ou des facteurs déclenchant, ou la prise de certains médicaments (vaccination, piqûres d'insecte, syndrome infectieux récent, prise d'antiinflammatoires non stéroïdiens).
- L'examen clinique sera minutieux à la recherche de signes "extrarénaux" : angine, purpura, arthralgies, lésions cutanées, polysérite,...
Le caractère pur ou impur du syndrome néphrotique devra être établi.
Le syndrome néphrotique est qualifié de pur s'il n'est accompagné :
- Ni d'hématurie microscopique,
- Ni d'hypertension artérielle,
- Ni d'insuffisance rénale organique
- Et si la protéinurie est sélective.
Le syndrome néphrotique est qualifié d'impur s'il est associé à un ou plusieurs des signes précédents.
Première approche
Un syndrome néphrotique pur traduit un syndrome d'hyperperméabilité capillaire glomérulaire purement fonctionnel sans anomalie visible en microscopie optique (cf. physiopathologie).
Le syndrome néphrotique impur traduit une lésion morphologique analysable en microscopie optique.
La présence d'un sédiment urinaire dit "actif" (hématurie et/ou leucocyturie) peut traduire un processus prolifératif, inflammatoire au sein du glomérule.
5. Diagnostic étiologique
De façon schématique, on distingue les syndromes néphrotiques primitifs et secondaires.
5.1 Un syndrome néphrotique est dit primitif ou idiopathique,
Si l'enquête étiologique s'avère négative : en pratique en l'absence de signes extra-rénaux. Les néphropathies glomérulaires primitives sont alors définies selon leur type histologique.
5.2 Un syndrome néphrotique est secondaire,
Si la néphropathie glomérulaire s'intègre dans le cadre d'une maladie générale ou si une étiologie précise (infectieuse, toxique, tumorale) est mise en évidence.
Les causes de syndromes néphrotiques secondaires sont nombreuses :
- Maladie générale : diabète
- Maladie de système : lupus, vascularite nécrosante, purpura rhumatoïde, amylose AL au cours d'un myélome ou AA secondaire à des maladies inflammatoires chroniques,
- Infection : glomérulonéphrite aiguë postinfectieuse (streptocoque, pneumocoque), glomérulopathie secondaire à une infection d'un shunt atrio-ventriculaire, à une infection par le virus de l'hépatite B ou de l'hépatite C, paludisme, syphilis.
- Cancer : tumeur solide, hémopathie, gammapathie monoclonale, cryoglobulinémie
- Médicaments : sel d'or, D-pénicillamine, antiinflammatoires non stéroïdiens.
- Autres causes : transplantation rénale, prééclampsie.
Ainsi l'enquête étiologique doit être dictée par l'orientation donnée par les antécédents, l'anamnèse et l'examen clinique. Un certain nombre d'examens biologiques de débrouillage peuvent être demandés en fonction de l'orientation :
- Étude du complément et de ses composants,
- Anticorps antinucléaires,
- Recherche d'une protéine monoclonale dans le sang et dans les urines,
- Sérologies des hépatites B et C ainsi que du VIH.
L'examen de référence reste la biopsie rénale qui est de pratique systématique chez l'adulte après ou au cours dun répérage échographique. Les contre-indications de cet examen sont liées à une hypertension artérielle sévère non contrôlée, des troubles de la coagulation, la présence d'un rein unique fonctionnel, des conditions anatomiques particulières (splénomégalie, hépatomégalie, rein en fer à cheval).
Toutefois la distinction entre le caractère primitif ou secondaire du syndrome néphrotique a ses limites car :
- La négativité de l'enquête étiologique dépend de son exhaustivité,
- Le caractère idiopathique ou primitif d'une glomérulopathie est directement lié à la limite des connaissances médicales et scientifiques,
- Une néphropathie glomérulaire, considérée comme primitive sur son aspect, peut en fait précéder le diagnostic dune maladie générale, dun cancer ou dune infection.
- Au cours des 2 chapitres suivants, nous détaillerons les néphropathies glomérulaires dites primitives définies par leur aspect histologique et les néphropathies glomérulaires secondaires évoluant au cours de maladies générales.
6. Les néphropathies glomérulaires dites primitives
Le syndrome néphrotique est révélateur de la plupart des glomérulopathies primtives. Devant un syndrome néphrotique intense chez ladulte, dapparition brutale, ne comportant initialement ni hypertension, ni insuffisance rénale, ni hématurie, quatre diagnostics peuvent être évoqués : un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes (15 à 20 % des cas), une hyalinose segmentaire et focale (15 à 20 %), une glomérulonéphrite extramembraneuse (40 % des cas) .
Elles représentent 75 % des syndromes néphrotique de l'enfant et seulement 15 à 20 % des syndromes néphrotiques de l'adulte. Le début est volontiers brutal.
Le syndrome Sdémateux est en général franc et le syndrome néphrotique est pur.
À l'examen histologique, il n'existe aucune lésion en microscopie optique et aucun dépôt en immunofluorescence. L'étude en microscopie électronique, si elle a été réalisée, révèlerait une fusion des pieds des podocytes (pédicelles).
Cette affection glomérulaire est dénommée chez ladulte « syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes » et correspond à lancienne dénomination de « néphrose lipoïdique ».
La rémission spontanée peut être observée dans 20 à 40 % des cas. Toutefois le traitement est indiqué au moment du diagnostic afin d'assurer les meilleures chances de mise en rémission rapide et d'éviter les complications liées au syndrome néphrotique. Il fait appel à la corticothérapie (1 mg/kg/jour chez l'adulte, 2 mg/kg/jour chez l'enfant). Cette posologie élevée sera poursuivie pendant 4 à 16 semaines en fonction de la réponse et diminuée de façon très progressive sur une période de 6 mois. Un traitement anticoagulant (voir ci-dessus) sera institué dans certains cas à risque de thrombose (hypoalbuminémie sévère, antécédents de thrombose).
Les éléments de surveillance comportent :
- La mesure de la pression artérielle et la recherche des effets secondaires liés à la corticothérapie (prise de poids, faciès cushingoïde, acné, hypertension, hypokaliémie &) est indispensable.
- Les dosages de la créatininémie, de la protéinurie des 24h et de lalbuminémie, de la kaliémie doivent être pratiqués régulièrement tous les 15 J au début du traitement). Après mise en rémission la simple utilisation de bandelettes urinaires peut être suffisante pour détecter une rechute.
La rémission est définie par la disparition de la protéinurie. La correction de lhypoalbuminémie est observée parallèlement.
La corticorésistance est définie par labsence de réponse sur la protéinurie (> 3g/j) après 3 à 4 mois de traitement corticoïdes à fortes doses.
La corticodépendance correspond chez un malade corticosensible à la nécessité de maintenir une corticothérapie à posologie plus ou moins élevée pour éviter les rechutes.
La rémission survient dans 90 % des cas chez l'enfant dans les 4 premières semaines et chez 80 % des adultes en 4 à 8 semaines.
La guérison n'est obtenue que dans 30 % des cas chez l'adulte car des rechutes sont possibles avec possibilité de guérison après 2 à 3 poussées. Les rechutes peuvent être fréquentes, voire cortico-dépendantes dans 40 % des cas.
Dans 10 % des cas, il existe une corticorésistance.
- Les autres traitements de la néphrose lipoïdique.
Ils sont proposés en cas de corticorésistance ou de corticodépendance .
Le cyclophosphamide (Endoxan®) peut être utilisé pendant une période de 2 à 6 mois à une posologie de 1,5 à 2 mg/kg. Outre ses effets immunosuppresseurs, il présente l'inconvénient d'une gonadotoxicité, notamment chez la femme.
La ciclosporine A (Néoral®, Sandimun®) est utilisée en cas de corticodépendance afin d'obtenir un effet d'épargne en stéroïdes. Les patients deviennent souvent dépendants de la ciclosporine. Le principal effet secondaire de la ciclosporine est lié à sa néphrotoxicité (surveillance de la créatininémie indispensable).
- Il existe des formes histologiques proches du syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes :
- La forme associée à une prolifération mésangiale
- La forme avec dépôts mésangiaux d'IgM et de complément,
- La forme avec dépôts mésangiaux de la fraction C1q du complément.
Chez l'adulte, un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes, avant d'être qualifié de primitif, doit faire évoquer soit la prise d'un toxique (AINS, lithium), soit une hémopathie (en particulier une maladie de Hodgkin)
La hyalinose segmentaire et focale représente 10 à 15 % des syndromes néphrotiques de l'enfant et 15 à 20 % des syndromes néphrotiques de l'adulte notamment chez l'homme.
La protéinurie est massive, non sélective, le syndrome néphrotique peut être absent. Il peut dans certains cas être associé à une hématurie microscopique, une hypertension artérielle, voire une insuffisance rénale.
En microscopie optique, il existe des dépôts hyalins et de sclérose focale (sur certains glomérules) et segmentaire (seulement une partie du glomérule est touchée) prédominant au début sur les glomérules du cortex profond.
En immunofluorescence, on note la présence de dépôts d'IgM et de C3 mésangiaux. La microscopie électronique montre des lésions comparables au syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes.
L'évolution est péjorative avec survenue d'une insuffisance rénale chronique progressive chez 25 % des enfants et 70 % des adultes ; l'évolution vers l'insuffisance rénale terminale se faisant en 5 à 20 ans. La présence d'un syndrome néphrotique constitue un élément de mauvais pronostic.
Le risque de récidive de la maladie sur le transplant rénal est élevé (environ 40 %).
Cette néphropathie peut être secondaire à un sida, une hémopathie, un traitement chronique par le lithium.
La glomérulonéphrite extramembraneuse est la forme la plus fréquente de glomérulopathie responsable de syndrome néphrotique chez l'adulte. Elle est observée dans moins de 5 % des cas chez l'enfant et dans 25 à 40 % des syndromes néphrotiques de l'adulte. Sa fréquence augmente avec l'âge.
Il s'agit le plus souvent d'un syndrome néphrotique avec protéinurie non sélective. Il peut s'associer à une hématurie microscopique. Au début, la pression artérielle et la fonction rénale sont le plus souvent encore normales.
En microscopie optique (Figure 2), on note des parois des capillaires glomérulaires épaissies sans prolifération cellulaire. Les colorations à l'argent permettent de souligner la membrane basale glomérulaire et mettent évidence des dépôts extramembraneux situés sur le versant épithélial de la membrane basale glomérulaire. En immunofluorescence, ces dépôts contiennent de l'IgG, éventuellement du C3.
Les formes idiopathiques sont les plus fréquentes. Leur évolution est imprévisible. Schématiquement 1/3 des malades évoluent vers la guérison, 1/3 des malades conservent une protéinurie sans évolution vers l'insuffisance rénale et 1/3 des malades évoluent vers l'insuffisance rénale chronique terminale en 10 à 20 ans.
Les facteurs de mauvais pronostic sont l'existence d'un syndrome néphrotique, d'une hypertension artérielle et d'une insuffisance rénale débutante au moment du diagnostic.
Les glomérulonéphrites extramembraneuses reconnaissent souvent une étiologie et sont alors qualifiées de secondaires à :
Elle est devenue rare en France (5% des syndromes néphrotiques)
Elle se révèle par un syndrome néphrotique impur voire un syndrome néphritique aigu associé à des signes de consommation du complément (voie alterne, présence dun facteur néphritique C3 nef dans le type II).
- Type I : dépôts sous endothéliaux et mésangiaux dIgG et de complément, aspects de double contour de la membrane basale glomérulaire.
- Type II : dépôts denses au sein de la membrane basale glomérulaire
Trente à cinquante pour cent des malades évoluent vers linsuffisance rénale chronique terminale en 5 à 10 ans, avec un risque élevé de récidive après transplantation.
Les formes idiopathiques sont fréquentes. Les causes identifiées de GNMP sont :
- Les maladies systémiques (cryoglobulinémies, déficit en complément)
- Les infections bactériennes (suppuration profonde, néphrite de shunt, endocardites) ou virales (VHB, VHC, VIH)
- Les hémopathies malignes : lymphomes, leucémie lymphoide chronique
- Le type II peut être associé à une lipodystrophie
6.5. Plus rarement le syndrome néphrotique peut révéler ou compliquer lévolution :
- D'une glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d'IgA,
- D'une glomérulonéphrite extracapillaire.
7. Néphropathies glomérulaires secondaires
La glomérulosclérose diabétique peut survenir quel que soit le type de diabète. La néphropathie du diabète de type I survient après 5 à 15 ans dévolution dun diabète en général mal équilibré. Le syndrome néphrotique est précédé par une phase plus ou moins longue de « microalbuminurie » puis par une période où la protéinurie est qualifiée de macroprotéinurie (300 mg/j). Latteinte rénale est en général associée à dautres lésions dégénératives du diabète notamment oculaires (rétinopathie) rendant la biopsie rénale souvent inutile.
Les lésions rénales sont caractéristiques avec une glomérulosclérose nodulaire de type Kimmelstiel-Wilson.
Lévolution se fait en quelques mois à quelques années vers linsuffisance rénale terminale.
Le traitement fait appel au contrôle rigoureux de lhypertension artérielle associée par ladministration dinhibiteurs de lenzyme de conversion dont leffet antiprotéinurique et bénéfique sur la progression des lésions rénales a été démontré dans la néphropathie diabétique.
Le diabète de type II est actuellement le plus grand pourvoyeur de néphropathies glomérulaires et dinsuffisance rénale chronique terminale. Le syndrome néphrotique est inconstant et survient tardivement alors que dautres lésions secondaires à la macroangiopathie diabétique sont présentes (artérite, coronaropathie, AVC). Les lésions rénales peuvent être similaires à celle du diabète de type I. Les lésions vasculaires rénales associées sont particulièrement fréquentes.
Le lupus érythémateux disséminé est une affection de la femme jeune. Latteinte rénale est fréquente parfois inaugurale. En cas de syndrome néphrotique, le diagnostic sera évoqué devant lassociation à de signes « extra-rénaux » :
Erythème cutané « en loup » du visage, arthralgies, pleuro-péricardite, altération de létat général&
Leucopénie, anémie hémolytique, thrombopénie et surtout anticorps antinucléaires et anti DNA natif.
Elle est fondamentale, permet de préciser le diagnostic et dorienter les indications thérapeutiques.
Cinq types de lésions sont décrits selon la classification OMS :
- I : Lésions glomérulaires minimes
- II : Prolifération mésangiale discrète
- III : Glomérulonéphrite proliférative focale
- IV : Glomérulonéphrite proliférative diffuse
- V : Glomérulonéphrite extramembraneuse
Selon la sévérité des lésions définies par un index dactivité, un traitement par stéroides et éventuellement immunosuppresseurs sera entrepris. Des lésions de sclérose cicatricielle peuvent persister après le traitement et être responsble de lévolution vers linsuffisance rénale terminale.
Les amyloses sont un ensemble de maladies caractérisées par le dépôt localisé au rein ou le plus souvent diffus, dune substance amorphe constituée de protéines insolubles ayant une conformation fibrillaire.
Elles sont fréquemment révélées par :
- un syndrome néphrotique intense,
- sans hématurie ni HTA,
- persistant malgré linsuffisance rénale,
- avec présence de deux gros reins,
- avec présence dune acidose tubulaire,
- associé à dautres localisations de la maladie (hépatomégalie, macroglossie, multinévrite, diarrhée).
On distingue :
- Les amyloses AA (dérivées de la protéine A), compliquant des phénomènes inflammatoires chroniques : polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn, recto-colite hémorragique, cancer (rein), infections prolongeés (ostéomyélite).
- Les amyloses AL (dérivées de chaînes légères dimmunoglobulines, principalement lambda).
- Les amyloses héréditaires, en particulier :
- La maladie périodique ou fièvre méditerranéenne familiale
- Les neuropathies amyloïdes
Le diagnostic est confirmé par létude histologique qui met en évidence des dépôts amyloïdes extra-cellulaires par la coloration au rouge Congo (Biopsie digestive ou rénale). Létude en immunohistochimie permet de préciser la nature de lamylose (AA ou Al).
Un syndrome néphrotique peut être observé au cours des proliférations monoclonales des lymphocytes B (lymphomes B, leucémies lymphoïdes chroniques B) ou des plasmocytes (myélome, gammapathie monoclonale « bénigne ») et révéler des atteintes rénales diverses :
- Maladie de dépôts de fragments dimmunoglobulines
- Rein de cryoglobuline
- Glomérulopathie à dépôts organisés monotypiques, fibrillaires.
Le diagnostic est suspecté sur la microscopie optique et confirmé par létude immunohistochimique et létude ultrastructurale (microscopie électronique).
La maladie de Hogkin peut être révélée par un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes.
Les cancers épithéliaux (bronchiques et digestifs) peuvent être responsables de véritables syndromes paranéoplasiques avec un syndrome néphrotique (glomérulopathie extramembraneuse) évoluant parallèllement au cancer. Un bilan à la recherche dun cancer (notamment du poumon) doit être effectué devant tout syndrome néphrotique de ladulte révélant une glomérulonéphrite extramembraneuse.
Les infections peuvent être à lorigine datteintes glomérulaires :
- Infections bactériennes à pyogènes: endocardites (abaissement du complément sérique), suppurations profondes chroniques
- Virales : VHB,VHC,VIH
- Parasitaires :schistosomiase, paludisme, filariose
7.7 Médicaments
Le syndrome néphrotique est en général isolé, sans insuffisance rénale. Les formes histologiques correspondent le plus souvent à une glomérulopathie extramembraneuse ou à un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes.
De nombreux médicaments ont été incriminés :
Sels dor, D-pénicillamine, anti-inflammatoires non stéroidiens, lithium&
Au cours de la grossesse, les formes graves de prééclampsie peuvent se compliquer de syndrome néphrotique. Le pronostic fStal est en général péjoratif.
Chez le transplanté rénal, un syndrome néphrotique évoque la récidive de la maladie initiale, une glomérulopathie de novo ou un rejet chronique.
8. Traitement de la protéinurie du syndrome néphrotique
( Pour en savoir plus)
Une protéinurie abondante et persistante constitue le principal prédicteur dune progression rapide vers linsuffisance rénale terminale. Le passage des protéines de haut poids moléculaire à travers le filtre glomérulaire et leur réabsorption tubulaire aggravent les lésions rénales. La réduction de la protéinurie constitue donc en soi un objectif thérapeutique.
Les inhibiteurs de lenzyme de conversion permettent de réduire la protéinurie et sont indiqués même chez des patients normotendus. Il existe une dissociation chronologique entre les effets hémodynamiques et antiprotéinuriques des inhibiteurs de lenzyme de conversion. Leffet antiprotéinurique peut mettre plusieurs semaines à se manifester et il est donc plus tardif que leffet hypotenseur. Surtout leffet antiprotéinurique dépend de la balance sodée et peut être augmenté par un régime sans sel ou un traitement diurétique et semble-t-il par un régime modérément restreint en protéines.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens permettent de réduire la protéinurie de façon proportionnellement plus importante quils nabaissent la filtration glomérulaire. En raison des effets indésirables considérables sur laggravation de la fonction rénale et la tolérance gastro-intestinale, cette approche nest pas recommandée.
Les régimes restreints en protéines ne permettent pas dobtenir une réduction importante et constante de la protéinurie par opposition aux inhibiteurs de lenzyme de conversion. La dénutrition est le risque principal de ces régimes restreints en protéines. Elle représente lun des prédicteurs de risque les plus importants de mortalité au cours de linsuffisance rénale terminale. Ces régimes restrictifs sont peu utilisés et ne peuvent se faire quen milieu spécialisé sous surveillance nutritionnelle rigoureuse.
Des interventions immunologiques spécifiques ne sont disponibles que pour certaines causes de syndrome néphrotique où le traitement efficace de la maladie causale peut être suivi dune rémission de la protéinurie :
- Traitement d'une infection bactérienne (endocardite, suppuration profonde, néphrite de shunt)
- Traitement dune infection virale : interféron alpha pour le syndrome néphrotique associé à lhépatite B, la glomérulonéphrite membrano-proliférative associée à lhépatite C et la cryoglobulinémie associée à lhépatite C.
- Arrêt du médicament (AINS, lithium&) responsable de syndrome néphrotique
- Chimiothérapie ou exérèse de tumeur au cours de syndrome néphrotique associé aux cancers ou aux lymphomes.
- Traitement par corticostéroides et/ou immunosuppresseurs au cours du lupus.
- La progression de latteinte rénale amyloïde des patients ayant une fièvre familiale méditerranéenne peut être prévenue par la colchicine.
Dans tous les autres cas un traitement immunosuppresseur non spécifique reste la seule option disponible sauf si la fonction rénale est sévèrement altérée (clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min) auquel cas le traitement immunosuppresseur comporte un risque de toxicité trop important. Chez ladulte, la biopsie rénale est une étape indispensable avant denvisager tout traitement immunosuppresseur. La biopsie rénale avec guidage échographique est un geste relativement sûr dans des mains entraînées. Cet examen confirme le diagnostic et apporte des informations pronostiques importantes par la présence ou non dune fibrose tubulo-interstitielle.
Il ny a pas de consensus concernant le traitement des différentes variétés de syndrome néphrotique de glomérulopathies primitives.
Chez ladulte avec un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes, un traitement par corticoïdes sur la base de prednisolone 1 mg/kg/jour est généralement entrepris pendant au moins 8 semaines et parfois plus longtemps chez certains patients particuliers. En labsence de réponse ou en cas de récidive fréquente ou en cas de dépendance vis-à-vis des corticoïdes, le cyclophosphamide 1 à 2 mg/kg/jour pendant une période de 3 à 6 mois peut être tenté notamment si le patient est symptomatique ou présente des facteurs de risque de progression rénale (homme, hypertension, tabac, insuffisance rénale, protéinurie massive ou fibrose interstitielle). Une surveillance rigoureuse, notamment du compte leucocytaire et des plaquettes doit être effectuée et une contraception efficace doit être assurée chez la femme.
Pour les patients avec une hyalinose segmentaire et focale, une approche thérapeutique analogue peut être envisagée mais avec un taux de réponse nettement inférieur. Pour les patients qui ne répondent pas à ces premiers traitements, la cyclosporine peut être envisagée à condition de ne pas dépasser des doses de 5 mg/kg et de surveiller les concentrations plasmatiques résiduelles. La cyclosporine doit être évitée lorsquil existe une insuffisance rénale et/ou une fibrose interstitielle importante sur la biopsie rénale en raison du risque daggravation lié à la toxicité rénale propre de ce médicament. En labsence de réponse thérapeutique au cours des 3 premiers mois de traitement, le traitement est inefficace et doit être interrompu.
Chez les patients avec une glomérulonéphrite extra-membraneuse pour laquelle une cause secondaire a été exclue, qui est symptomatique et à haut risque de progression, un traitement immunosuppresseur peut être tenté. Une combinaison de corticoïdes et dun cytotoxique, cyclophosphamie ou chlorambucil peut être tentée pendant une période ne dépassant pas 6 mois.
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