La hyalinose segmentaire et focale est un ensemble hétérogène d'affections ayant en commun une lésion histologique glomérulaire peu spécifique mais individualisée en raison de sa localisation initiale particulière. Cette lésion est dite segmentaire, c'est-à-dire qu'elle ne touche qu'une partie du glomérule et focale, parce quelle ne touche que certains glomérules.
Dans la forme primitive, la hyalinose a une localisation initialement segmentaire et focale mais elle évolue secondairement vers une glomérulosclérose segmentaire, puis enfin diffuse du glomérule.
Des lésions morphologiques similaires à la hyalinose segmentaire et focale peuvent être observées dans différentes circonstances pathologiques très particulières, généralement facilement identifiables. On distingue donc la hyalinose segmentaire et focale dans sa forme dite primitive et les formes dites secondaires de mécanismes physiopathologiques différents (Voir Tableau 1 : Classification des HSF).
Un degré supplémentaire de confusion est introduit par le terme américain glomerulosclérose focale qui méconnait la lésion initiale de hyalinose et inclut des lésions de sclérose segmentaire cicatricielle, non spécifique faisant suite à des affections bien différentes (Voir Tableau 1 : Classification des HSF).
Tableau 1 : Classification des HSF
1) HSF primitive ou HSF avec atteinte primitive du podocyte (= podocytose)
- HSF primitive idiopathique avec facteur de perméabilité circulant (cf)
- HSF primitives par lésion virale ou toxique du podocyte :
HIV (Héroïne, Lithium, Certains cancers (lymphomes)
- HSF héréditaires par anomalies constitutionnelles dun composant de la barière podocytaire (cf)
- Syndrome néphrotique congénital de type Finlandais NHPS 1(mutation du gène de la néphrine)
- HSF autosomale recessive NHPS2 (mutation du gène de la podocine)
- HSF autosomique dominante (mutation du gène de lactinine 4)
- HSF associée à diverses maladies héréditaires (Maladie de Charcot-Marie-Tooth) ou à des mutations de WT1 (syndrome de Denis-Drash, syndrome de Frasier)
2) HSF secondaires à une adaptation néphronique
- Réduction néphronique :
- Agénésie rénale unilatérale
- Hypoplasie segmentaire et oligoméganéphronie
- Néphroapthie du reflux, Néphroapthie des analgésiques
- Néphropathies glomérulaires chroniques au stade de réduction néphronique
- Nécrose corticales, SHU, prééclampsie
- Drépanocytose
- Néphropathie athéroembolique
- Rein contolatéral à une hypertension rénovasculaire
- Rein denfant transplanté chez un adulte
- Maladaptation hémodynamique (sans réduction néphronique initiale)
- Diabète
- Dysautonomie familiale
- Obésité avec ou sans syndrome dapnée du sommeil
- Glycogénose
3) GS segmentaire et focale « cicatritielle » sans hyalinose (= diagnostic différentiel)
Sclérose segmentaire conséquence dune lésion inflammatoire préalable : la sclérose résulte dune véritable cicatrisaiton avec dépôt de collagène de type I et III
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1. HSF « primitives »
La HSF est dite primitive lorsquelle est liée à une lésion primitive du podocyte (podocytose).
La HSF primitive idiopathique est une affection se présentant habituellement sous la forme dun syndrome néphrotiaue impur explosif et souvent (sinon toujours?) lié à un facteur de perméabilité circulant. Cette forme de HSF représente 10-15 % des syndromes néphrotiques de lenfant, 20-25% des syndromes néphrotiques de ladulte et cette incidence semble en augmentation.
La HSF peut également être associée à différentes affections présumée responsables de lésions toxiques du podocyte. La HSF peut être associées à l'infection par le VIH, lhéroine, un traitement chronique par lithium et certains cancers, notamment des lymphomes. Dans ce cas, l'évolution de la HSF est habituellement parallèle à celle de l'hémopathie. La HSF associée au virus HIV revet volontiers une forme pathologique particulière appelée "HSF collapsante".
L'intoxication par l'héroïne est associée à certaines formes d'HSF (néphropathie de l'héroïne) y compris chez des patients qui sont clairement HIV négatif. Cette affection a une prédilection chez les sujets noirs et pourrait être liée à des contaminants de l'héroïne. En effet, cette forme de HSF semble avoir pratiquement disparue, parallèlement à l'augmentation de la pureté de l'héroïne ou peut être aussi en raison de l'excès de mortalité précoce liée au HIV.
Certaines atteintes primitives du podocyte responsables de HSF peuvent être liées à une anomalie constitutive génétique héréditaire dun composant du versant épithélial de la barrière de filtration glomérulaire, c'est-à-dire le podocyte et la membrane de filtration ("HSF héréditaires").
2. HSF secondaires
Certaines formes de HSF sont secondaires à des anomalies de la morphologie ou de lhémodynamique du glomérule. Ces affections associent à divers degrés une réduction néphronique, une hypertrophie glomérulaire, et une hypertension glomérulaire. Le point commun à ces anomalies semble être une raréfaction de la densité podocytaire, responsable dun étirement des pédicelles et d'un élargissement des fentes de filtration (le podocyte est une cellule indivisible).
- Une HSF peut être induite par la réponse structurelle à une réduction extrême de masse néphronique, soit congénitale (par exemple oligoméganéphronie), soit après réduction chirurgicale (par exemple néphrectomie partielle sur un rein unique ou transplantation dun rein pédiatrique chez un adulte).
- L'hypertension intraglomérulaire peut induire des lésions de glomérulosclérose segmentaire au cours de la néphropathie diabétique, de la drépanocytose et de la glycogénose de type 1. Des lésions similaires semblent intervenir au cours des HSF associées à des prééclampsies sévères.
- Des mécanismes semblables semblent intervenir au cours des HSF liées ou associées à une obésité massive : ces patients ont initialement une hyperfiltration glomérulaire, des glomérules de taille augmentée. Seule la perte de poids et l'administration d'un IEC peut permettre de réduire l'excrétion urinaire de protéinurie de 80 % environ chez ces patients.
- Le syndrome d'apnée du sommeil peut également être associé à des lésions de hyalinose segmentaire et focale avec protéinurie : seule la correction des apnées du sommeil permet la résolution complète de la protéinurie suggérant un rôle pathogénique de l'augmentation de la pression veineuse rénale et/ou de l'hypoxémie.
La présentation clinique des HSF secondaires est souvent dominée par latteinte sous-jacente. La protéinurie est progressivement croissante et peut devenir secondairement néphrotique. Habituellement on peut mettre en évidence dautres manifestations rénales ou extrarénales de latteinte sous-jacente.
En microscopie optique, la lésion de HSF est souvent associée à dautres types de lésions sous-jacentes. Lhypertrophie glomérulaire prédomine dans certaines de ces formes secondaires.
En microscopie électronique, les altérations podocytaires sont plus limitées et loblitération des pédicelles est souvent focalisée.
Sur le plan thérapeutique, ces formes sont insensibles aux glucocorticoides et représentent des indications privilégiées dun traitement par les inhibiteurs de lenzyme de conversion..
3. Gloméruloscléroses segmentaires et focales « cicatritielles »
Ces glomérulscléroses segmentaires et focales ne sont pas précédées et ne saccompagnent pas de lésions de hyalinose mais correspondent à la phase de cicatrisation d'une glomérulonéphrite proliférative focale, par exemple néphropathie lupique, néphropathie à IgA ou vascularite.
Les lésions segmentaires sont souvent associées à du tissu cicatriciel composé de collagène de type 1 et 3 qui peuvent fragmenter l'anse capillaire. Sur une coloration PAS, ces cicatrices tissulaires fixent de façon moins prononcée que les lésions typiques de HSF primitives.
Ces lésions qui ne comportent pas de hyalinose stricto sensu sont cependant souvent rattachées à la HSF par les auteurs américains (qui utilisent dailleurs plutot le terme de glomérulosclérose segmentaire et focale).